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— Apportez les lumières, » dit miss Keeldar.

Caroline attendit.

« Une lettre d’affaires, » dit l’héritière ; mais, lorsque les lumières furent apportées, elle ne l’ouvrit ni ne la lut. Fanny, la servante du recteur, fut aussitôt annoncée, et miss Helstone retourna à la rectorerie.




CHAPITRE XII.

Nouveaux incidents.


Il était dans la nature de Shirley de se laisser aller en certains moments à une complaisante indolence ; il y avait des instants où elle se plaisait dans une inaction absolue de ses facultés physiques, des moments où la pensée de son existence, du monde qui l’environnait et du ciel au-dessus d’elle, semblait lui faire un bonheur si complet, qu’elle n’eût pas levé un doigt pour l’augmenter. Souvent, après une matinée active, elle passait volontiers l’après-midi d’un beau jour assise sur le gazon, au pied de quelque arbre au bienfaisant ombrage. Elle n’éprouvait le besoin d’aucune société autre que celle de Caroline, d’aucun spectacle autre que celui du ciel parsemé de légers nuages voguant dans une mer d’azur, d’aucuns sons autres que le bourdonnement de l’abeille ou le frémissement de la feuille. Ses seuls livres, dans ces moments de douce nonchalance, étaient la vague chronique de ses souvenirs ou la page sibylline de l’avenir. De ses jeunes yeux tombait sur chacun de ces livres une radieuse lumière ; le sourire qui se jouait par moments sur ses lèvres révélait ses impressions à la lecture du roman du passé et de la prophétie de l’avenir : ce sourire n’était ni triste ni sombre. Le destin avait été doux à l’heureuse rêveuse, et promettait de lui continuer ses faveurs. Dans son passé étaient de doux souvenirs ; dans son avenir, de roses espérances.

Cependant, un jour, lorsque Caroline s’approcha d’elle pour l’engager à se lever, pensant qu’elle était restée couchée depuis assez longtemps, elle vit les joues de Shirley mouillées