comme par la rosée ; ses beaux yeux étaient humides et pleins de larmes.
« Shirley, pourquoi pleurez-vous ? » s’écria Caroline.
Miss Keedlar sourit, et tournant sa charmante tête vers la questionneuse :
« Parce que j’éprouve un vif plaisir à pleurer, dit-elle ; mon cœur est à la fois triste et joyeux : mais pourquoi vous, bonne et patiente enfant, pourquoi ne me tenez-vous pas compagnie ? Je répands seulement des larmes douces et bientôt séchées ; vous, vous pourriez pleurer du fiel.
— Pourquoi pleurerais-je du fiel ?
— Pauvre oiseau solitaire et sans compagnon !…
— Et vous, Shirley, n’êtes-vous pas aussi sans compagnon ?
— Dans mon cœur, non.
— Oh ! qui a fait là son nid, Shirley ? »
Mais Shirley, au lieu de répondre, se mit à rire gaiement à cette question, et se leva vivement.
« J’ai rêvé, dit-elle ; ce n’est qu’un songe, assurément brillant, mais probablement sans aucune base. »
Miss Helstone se trouvait en ce moment assez dépourvue d’illusions. L’avenir lui apparaissait sous ses véritables couleurs, et elle s’imaginait voir parfaitement où tendaient sa destinée et celle de quelques autres personnes. Néanmoins, ses anciennes relations avaient conservé une influence qui, jointe à la puissance de l’habitude, la ramenait souvent le soir sous la vieille épine qui dominait le cottage et la fabrique de Hollow.
Un soir, le soir après l’incident de la lettre, elle s’était rendue à son poste habituel, attendant l’apparition de son fanal, qu’elle attendit vainement ; ce soir-là aucune lumière ne parut. Elle attendit jusqu’à ce que certaines constellations se levant au ciel vinssent l’avertir que la nuit avançait et qu’il était temps de rentrer. En passant auprès de Fieldhead, à son retour, l’effet du clair de lune sur le manoir attira ses regards et arrêta un instant ses pas. Les arbres et la maison se dressaient paisiblement sous le ciel calme et la pleine clarté de l’astre des nuits ; le bâtiment, doré d’une pâle teinte gris-perle, se détachait harmonieusement sur un fond sombre et doux. Des ombres d’un vert foncé se jouaient sur son toit couronné par l’épais feuillage des chênes. Le large espace pavé au-devant du manoir brillait aussi d’un ton pâle ; il semblait qu’un charme