l’Amérique était leur marché, mais les Ordres en conseil le leur ont fermé. »
Malone ne semblait pas préparé à soutenir une conversation de ce genre ; il commença à frapper l’un contre l’autre les talons de ses bottes et à bâiller.
« Et penser, continua Moore, trop absorbé par son idée dominante pour remarquer ces symptômes d’ennui sur le visage de son hôte, penser que ces ridicules commères de Whinbury et de Briarfield vous ennuient sans cesse à propos de mariage ! Comme si l’on n’avait pas autre chose à faire en ce monde que de courtiser quelque jeune lady, comme ils disent, de la conduire à l’église, de passer son temps en visites, puis, je suppose, d’avoir une famille. Oh ! que le diable emporte… » Il abandonna ce cours d’idées dans lequel il venait de se lancer avec une certaine énergie, et ajouta d’un ton plus calme : « Je crois que les femmes ne pensent qu’à ces choses, et elles s’imaginent naturellement que l’esprit de l’homme est occupé de la même manière.
— Certainement, certainement, dit Malone, mais n’y faites pas attention. »
Puis il se mit à siffloter, regardant impatiemment autour de lui et paraissant désirer quelque chose. Moore comprit aussitôt.
« Monsieur Malone, vous avez besoin de vous rafraîchir après la marche que vous venez de faire ; j’oubliais l’hospitalité. »
Il se leva à ces mots et ouvrit un buffet.
— J’ai l’habitude, dit-il, d’avoir toujours quelque chose sous la main, et de ne pas dépendre des femmes qui habitent le cottage là-bas, lorsque je désire manger une bouchée de pain ou bien me rafraîchir. Souvent je passe ici la soirée et je soupe seul, puis je couche, avec Joe Scott, dans la fabrique. Quelquefois je suis mon propre surveillant. Je n’ai pas l’habitude de dormir longtemps, et j’aime, par une belle nuit, à faire une petite promenade dans la vallée avec mon mousquet sous le bras. Monsieur Malone, pouvez-vous faire cuire une côtelette de mouton ?
— Mettez-moi à l’épreuve. Je l’ai fait cent fois lorsque j’étais au collège.
— Voilà des côtelettes et voici le gril. Tournez-les rapidement ; vous savez le secret pour leur faire retenir leur jus ?