Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/231

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Caroline dit cela parce que Moore la dirigeait de ce côté.

« Vous avez raison ; mais dites à Fanny d’entrer ; dites-lui que nous la suivons : quelques minutes de retard ne seront pas remarquées. »

L’horloge sonna alors dix heures.

« Mon oncle va venir faire sa ronde habituelle, et il visite toujours l’église et le cimetière.

— Et quand même cela serait ? Si ce n’était que Fanny sait que nous sommes ici, je trouverais du plaisir à nous amuser un peu avec lui. Nous pourrions être sous la fenêtre du levant, lorsqu’il serait sous le porche : pendant qu’il viendrait par le côté du nord, nous passerions par celui du sud : nous pourrions, s’il nous serrait de trop près, nous cacher derrière quelques-unes des tombes : le grand monument des Wynne que voilà nous offrirait un refuge assuré.

— Robert, quelle joyeuse humeur vous avez ! Partez, partez ! ajouta vivement Caroline, j’entends la porte s’ouvrir.

— Je n’ai pas envie de m’en aller ; au contraire, j’ai envie de rester.

— Vous savez que mon oncle sera furieux : il m’a défendu de vous voir parce que vous êtes un jacobin.

— Un étrange jacobin !

— Partez, Robert, le voici ; je l’entends tousser.

— Diable ! c’est singulier, quelle furieuse envie j’ai de rester.

— Vous vous souvenez de ce qu’il fit à… » commença Caroline, sans oser achever sa phrase, le mot lui semblant éveiller des idées qu’elle n’avait point l’intention de suggérer.

Moore fut moins scrupuleux.

« À l’amoureux de Fanny, dit-il. Il lui fit prendre un bain sous la pompe, n’est-ce pas ? Il éprouverait un grand plaisir à m’en faire autant, j’en suis sûr. J’aimerais assez à provoquer le vieux Turc, non pas contre vous, cependant. Mais il ferait une distinction entre un cousin et un amoureux, qu’en pensez-vous ?

— Vous prendre pour un amoureux ! il n’y pense guère ; votre querelle avec lui est toute politique ; cependant je ne voudrais pas voir s’élargir encore l’abîme qui vous sépare, et mon oncle est si bizarre ! Le voici à la porte du jardin. Je vous en prie, Robert, partez ! »

Ces paroles étaient accompagnées d’un geste et d’un regard