Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/254

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Et le petit Sweeting, qui ne craignait ni homme, ni femme, ni brute, tant il avait conscience de l’influence exercée par sa bonne nature, passa la porte en caressant le gardien. Son recteur, M. Hall, le suivait : il n’avait aucune crainte de Tartare non plus, et Tartare n’avait aucune mauvaise disposition contre lui ; il flaira les deux nouveaux venus de tous côtés, et, comme s’il fût arrivé à cette conclusion qu’ils n’avaient point de mauvaises intentions et qu’on pouvait les laisser passer, il se retira devant la partie du manoir exposée au soleil, laissant le passage libre. M. Sweeting le suivit, et eût voulu jouer avec lui ; mais Tartare ne fit aucune attention à ses caresses ; les caresses de sa maîtresse seules pouvaient lui faire éprouver du plaisir, et il se montrait obstinément insensible à celles de tout autre.

Shirley s’avança au-devant de MM. Hall et Sweeting et leur donna de cordiales poignées de main. Ils étaient venus pour lui rendre compte du succès qu’ils avaient obtenu le matin même dans leurs démarches pour recueillir des souscriptions au fonds de secours. Les yeux de M. Hall brillaient d’un doux et bienveillant éclat derrière ses lunettes. La bonté qui s’épanouissait sur sa figure la rendait positivement belle, et, lorsque Caroline se précipita à sa rencontre et mit ses deux mains dans les siennes, il la regarda avec une expression aimable, sereine et affectueuse, qui lui donnait l’aspect d’un Mélanchton souriant.

Au lieu de rentrer, ils se mirent à parcourir le jardin, les deux jeunes filles marchant de chaque côté de M. Hall. La journée était belle ; la chaleur du soleil était tempérée par une douce brise. L’air rafraîchissait les joues des jeunes filles et jetait dans leur chevelure bouclée un désordre gracieux. Toutes deux étaient jolies, l’une d’elles était gaie ; M. Hall adressait plus souvent la parole à la plus brillante ; il regardait davantage celle qui était calme. Miss Keeldar cueillit des fleurs à profusion ; elle en donna quelques-unes à Caroline en lui disant d’en composer un bouquet pour M. Hall ; et, avec son tablier rempli de fleurs délicates et splendides, Caroline s’assit sur les marches d’un pavillon : le recteur se tint debout auprès d’elle, appuyé sur sa canne.

Shirley, qui ne pouvait être inhospitalière, appela les deux vicaires, qu’on avait laissés seuls au parloir. Elle accompagna Donne pour passer devant Tartare, qui, le museau allongé sur ses pattes de devant, ronflait au soleil ; Donne ne lui témoigna