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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/287

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pression, tandis que son œil était animé, mais austère. La fantaisie de Shirley était donc parfaitement hors de saison ; s’il avait paru bien disposé, passe encore, mais en ce moment…

« Je vous avais dit de ne pas venir, » dit Caroline, avec une certaine amertume, à son amie.

Elle paraissait réellement troublée : être ainsi jetée sur le passage de Robert, malgré elle, lorsqu’il ne s’y attendait pas et qu’évidemment il ne tenait pas à être retardé, la contrariait très-vivement. Cela n’ennuyait pas le moins du monde Shirley : elle s’élança au-devant de son tenancier, et lui barrant le chemin :

« Vous avez oublié de nous dire adieu, dit-elle.

— J’ai oublié de vous dire adieu ! Et d’où sortez-vous donc ? Êtes-vous des fées ? J’en ai laissé deux semblables à vous, l’une vêtue de pourpre et l’autre de blanc, debout sur le haut d’un talus, quatre champs plus loin, il n’y a qu’une minute.

— Vous nous avez laissées là et vous nous retrouvez ici. Nous vous avons surveillé, et nous vous surveillerons encore : vous serez un jour questionné, mais pas aujourd’hui. À présent, tout ce que vous avez à faire est de nous dire bonsoir et de passer. »

Moore regarda de l’une à l’autre sans changer de contenance :

« Les jours de fête ont leurs privilèges, ainsi que les jours de péril, dit-il gravement.

— Allons, ne moralisez pas : dites bonsoir et passez, répondit Shirley.

— Dois-je vous dire bonsoir, miss Keeldar ?

— Oui, et à Caroline aussi. Il n’y a rien là de nouveau, j’espère. Il vous est arrivé déjà de nous dire bonsoir à toutes deux. »

Il prit sa main, la tint dans l’une des siennes et la couvrit avec l’autre ; il abaissa son regard sur elle gravement, avec bienveillance, mais avec autorité. L’héritière ne pouvait faire de cet homme son sujet ; dans la manière dont il regardait ce charmant visage, il n’y avait aucune servilité, à peine de l’hommage ; mais il y avait de l’intérêt, de l’affection, rehaussés par un autre sentiment : quelque chose dans le ton dont il lui parlait, aussi bien que dans les expressions dont il se servait, disait que ce sentiment était la gratitude.

« Votre débiteur vous souhaite une bonne nuit. Puissiez-vous reposer tranquillement et sûrement jusqu’au matin !