quelque chose, quelle difficulté n’avais-je pas à vous le faire accepter !
— Cela est vrai en partie, miss Caroline ; quelquefois j’aimerais mieux donner que recevoir, et surtout de personnes telles que vous. Voyez la différence qui existe entre nous deux : vous êtes une petite fille jeune et frêle ; moi je suis un homme grand et fort ; j’ai plus du double de votre âge. Ce n’est donc pas à moi, je pense, d’accepter de vous, de vous avoir de l’obligation, comme ils disent ; et le jour où vous êtes venue à la maison, et où, m’appelant sur la porte, vous m’avez offert cinq shillings, dont je doutais que vous pussiez aisément disposer, car je sais que vous n’avez pas de fortune, ce jour-là j’étais vraiment un rebelle, un radical, un insurrectionniste ; et c’est vous qui me rendîtes ainsi. Je pensais qu’il était honteux que, plein de force et disposé à travailler comme je l’étais, je fusse réduit à une condition telle, qu’une jeune créature, de l’âge à peu près de mon aînée, crût nécessaire de venir à moi et de m’offrir son morceau de cuivre.
— Je suppose que vous fûtes fâché contre moi, William ?
— Je l’étais presque, d’une façon. Mais je vous pardonnai bientôt : votre intention était bonne. Oui, je suis fier et vous êtes fière aussi ; mais votre orgueil et le mien sont de bon aloi, ce que nous appelons dans le Yorkshire « orgueil propre, » auquel M. Malone et M. Donne ne comprennent rien. Le leur est un orgueil sale. J’élèverai mes filles à être aussi fières que miss Shirley que voilà, et mes garçons à être aussi fiers que moi ; mais j’ose dire qu’aucun d’eux ne ressemblera aux vicaires : je corrigerais le petit Michael, si jamais il montrait quelques signes de cette disposition.
— Quelle est la différence, William ?
— La différence, vous la connaissez bien, mais vous voulez me faire parler. M. Malone et M. Donne sont trop fiers pour rien faire par eux-mêmes ; nous sommes trop fiers pour permettre à personne de faire quelque chose pour nous. Les vicaires peuvent à peine se décider à adresser un mot poli à ceux qu’ils croient au-dessous d’eux ; nous ne pouvons accepter un mot impoli de la part de ceux qui se croient au-dessus de nous.
— Maintenant, William, soyez assez humble pour me dire véritablement comment vont vos affaires. Êtes-vous content de votre position ?
— Miss Shirley, je suis très-content. Depuis que je me suis