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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/294

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tures ; c’est pourquoi il n’avait jamais pu aimer son maître précédent, Moore, et, ignorant la bonne opinion que ce dernier avait de lui et le service qu’il lui avait rendu en le recommandant comme jardinier à M. Yorke, et par là aux autres familles du voisinage, il continuait à garder en son cœur un vif ressentiment contre son austérité. Dans ces derniers temps, il avait souvent travaillé à Fieldhead ; les manières franches et hospitalières de miss Keeldar l’avaient charmé. Il avait connu Caroline depuis son enfance ; elle était pour lui l’idéal de la lady ; son gentil visage, sa démarche, ses gestes, la grâce de sa personne et de sa mise, remuaient une fibre artistique dans ce cœur rustique : il éprouvait du plaisir à la voir, comme il en éprouvait en examinant quelque fleur rare ou en regardant quelque gracieux paysage. Toutes deux aimaient William : elles prenaient plaisir à lui prêter des livres, à lui donner des plantes, et elles préféraient de beaucoup sa conversation à celle de gens grossiers et prétentieux, d’une condition infiniment plus élevée que la sienne.

« Qui parlait lorsque vous êtes sorti, William ? demanda Shirley.

— Un gentleman pour lequel vous ne professez pas une grande affection, miss Shirley, M. Donne.

— Et comment avez-vous découvert mes sentiments à l’égard de M. Donne, William ?

— Ah ! miss Shirley, il y a quelquefois dans vos yeux une expression qui vous trahit ; lorsque M. Donne est présent, cette expression est quelquefois celle du plus profond mépris.

— Et vous, William, l’aimez-vous ?

— Moi ! Je ne puis sentir les vicaires, et ma femme est comme moi. Ils n’ont pas de savoir-vivre ; ils parlent avec fierté aux pauvres gens, comme s’ils les croyaient au-dessous d’eux. Ils sont toujours à se vanter de leur office ; c’est pitié, car leur office n’a pas à se vanter d’eux. Je déteste l’orgueil.

— Mais vous êtes fier vous-même à votre façon, dit Caroline : vous avez ce que vous appelez la fierté domestique ; vous aimez que tout autour de vous soit beau : quelquefois vous paraissez même accepter vos gages avec répugnance. Lorsque vous étiez sans ouvrage, vous étiez trop fier pour acheter à crédit ; si ce n’eût été pour vos enfants, je crois que vous vous seriez laissé mourir de faim plutôt que d’entrer sans argent dans une boutique ; et, lorsque je désirais vous donner