Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’un coup de feu tiré de derrière un mur. Ces chefs savaient cela, et le fait est que, ayant tous deux des nerfs d’acier et un cœur ferme, cette connaissance du péril les exaltait.

Je sais, lecteur, et vous n’avez pas besoin de me le rappeler, que c’est une chose terrible pour un ecclésiastique d’être belliqueux ; je sais qu’il devrait être un homme de paix ; j’ai une légère idée de la mission d’un prêtre parmi le genre humain ; je sais de qui il est le serviteur, de qui il annonce le message, de qui il doit suivre l’exemple : et néanmoins, avec tout cela, si vous êtes un ennemi du clergé, vous ne devez pas attendre que je vous suive dans votre voie funeste et peu chrétienne ; vous ne devez pas attendre que je me joigne à vos profonds anathèmes, à vos rancunes venimeuses, si intenses, si absurdes, contre la robe noire ; que je lève les yeux au ciel avec un Supplehoug, ou que j’enfle mes poumons avec un Barraclough, en horreur et abomination du diabolique recteur de Briarfield.

Il n’était nullement diabolique. Il avait manqué sa vocation ; là était tout le mal. Il eût dû être soldat ; les circonstances en avaient fait un prêtre. Pour le reste, il avait la tête et la main fortes : c’était un consciencieux, brave, impassible, implacable et fidèle petit homme ; un homme presque sans sympathie, dur, plein de préjugés, rigide, mais un homme fidèle aux principes, honorable, sagace et sincère. Il me semble, lecteur, que, ne pouvant pas toujours tailler les hommes pour leur profession, vous ne devez pas les maudire lorsque cette profession les habille disgracieusement, et je ne maudirai pas Helstone, bien qu’il soit un Cosaque clérical ! Cependant il était maudit, et par beaucoup de ses paroissiens, comme il était adoré par d’autres, ce qui est fréquemment le sort des hommes qui montrent de la partialité dans l’amitié et de l’amertume dans l’inimitié ; qui sont également fidèles aux principes et attachés aux préjugés.

Helstone et Moore étant tous deux d’excellente humeur et unis pour le présent dans la même cause, vous vous attendez à ce que, chevauchant côte à côte, ils conversent amicalement. Oh ! non. Ces deux hommes, tous deux d’une nature rude et bilieuse, se trouvaient rarement en contact sans s’échauffer mutuellement la bile. Leur fréquent sujet de dispute était la guerre. Helstone était un tory exalté (il y avait des tories à cette époque), et Moore était un enragé whig, un whig au