Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/327

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blable moment Fieldhead eût montré l’inhospitalité de la cabane d’un avare ; la révolte de son orgueil se lisait aux mouvements de son cœur, qui gonflait sa poitrine et agitait violemment la dentelle et la soie sous lesquelles cette poitrine était emprisonnée.

« Depuis combien de temps ce message est-il arrivé du moulin ?

— Depuis moins d’une heure, répondit la femme de charge d’un ton doucereux.

— Depuis moins d’une heure ! Vous dites cela comme vous diriez depuis moins d’un jour ! Ils auront eu le temps de s’adresser ailleurs. Envoyez immédiatement un homme leur dire que tout ce que cette maison contient est au service de M. Moore, de M. Helstone et des soldats. Faites cela d’abord. »

Pendant que l’on exécutait cet ordre, Shirley s’éloigna de ses amies et demeura debout en silence à la fenêtre de la salle. Lorsque mistress Gill revint, elle se détourna : la couleur pourpre qu’une pénible excitation produit sur des joues pâles animait alors les siennes ; l’étincelle que le mécontentement allume dans un œil noir illuminait son regard.

« Que tout ce qui se trouve dans l’office et le cellier soit à l’instant chargé sur des voitures et conduit à Hollow. S’il n’y a que peu de pain et de viande à la maison, allez chez le boulanger et le boucher, et dites-leur d’envoyer tout ce qu’ils pourront. Mais il faut que j’y aille moi-même. »

Elle sortit.

« Cet accès sera bientôt passé : dans une heure, elle n’y pensera plus, murmura Caroline à mistress Pryor. Montez à votre chambre, chère madame, ajouta-t-elle affectueusement, et tâchez de vous calmer et de vous remettre autant que vous le pourrez. Soyez sûre qu’avant la fin du jour Shirley se blâmera elle-même plus qu’elle ne vous a blâmée. »

Miss Helstone parvint ainsi à calmer l’agitation de la pauvre dame. Après l’avoir conduite à son appartement et avoir promis de la venir rejoindre aussitôt que tout serait arrangé, Caroline se demanda si elle ne pourrait pas se rendre utile. Elle trouva qu’elle pouvait être en ce moment très-utile, car les domestiques n’étaient rien moins que nombreux à Fieldhead, et leur maîtresse avait alors de la besogne pour occuper tous les bras dont elle pouvait disposer. Caroline, par la bonne humeur et l’activité avec lesquelles elle vint en aide à la femme