Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/333

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scènes ; elle les redoutait, comme tous les gens timides ; elle dit d’une voix émue :

« Entrez, ma chère. »

Shirley entra avec quelque impétuosité : elle se jeta au cou de sa gouvernante, et, l’embrassant avec effusion, elle lui dit :

« Vous savez qu’il faut me pardonner, mistress Pryor. Je ne pourrais vivre si la mésintelligence existait entre vous et moi.

— Je n’ai rien à vous pardonner, répondit mistress Pryor. Ne pensons donc plus à cet incident, dont le résultat final me prouve plus clairement que jamais combien je suis peu capable de faire face à certaines crises. »

Et c’était là le pénible sentiment qui dominait l’esprit de mistress Pryor : aucun effort de Shirley ni de Caroline ne l’en pouvait chasser ; elle pouvait bien pardonner à sa pupille coupable, elle ne pouvait se pardonner à elle-même, innocente, son excès de timidité.

Miss Keeldar, condamnée à être dérangée toute la matinée par des visites, fut appelée en ce moment : c’était le recteur qui venait d’arriver. Un vif accueil et une réprimande plus vive encore étaient à son service ; il s’attendait à tous les deux, et, étant dans une excellente disposition d’esprit, il les prit l’un et l’autre en bonne part.

Dans le cours de sa brève visite, il oublia tout à fait de demander des nouvelles de sa nièce : l’émeute, les émeutiers, le moulin, les magistrats, l’héritière, absorbaient toutes ses pensées, à la complète exclusion des liens de famille. Il fit allusion à la part que lui et les vicaires avaient prise à la défense de Hollow »

« La fiole de la colère pharisaïque va être vidée sur nos têtes pour la part que nous avons prise à cette affaire, dit-il ; mais je défie tous les calomniateurs. J’étais là uniquement pour donner force à la loi, pour remplir mes devoirs d’homme et d’Anglais, que je regarde comme parfaitement compatibles avec ceux de prêtre et de lévite. Votre tenancier Moore, continua-t-il, a gagné mon approbation. Je n’ai jamais vu de commandant plus froid ni plus déterminé. De plus, cet homme a fait preuve de jugement et de bon sens ; d’abord en se préparant parfaitement pour l’événement qui a eu lieu, et ensuite, lorsque ses plans bien concertés lui ont eu assuré le succès, en