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CHAPITRE XX.

Mistress Pryor.


Pendant que Shirley causait avec M. Moore, Caroline rejoignait mistress Pryor à l’étage supérieur. Elle trouva cette dame profondément abattue. Elle ne voulut pas avouer que l’emportement de miss Keeldar avait froissé ses sentiments ; mais il était évident qu’une blessure intime la torturait. Elle paraissait peu sensible aux tendres et délicates attentions par lesquelles miss Helstone cherchait à la consoler ; mais Caroline savait qu’elle remarquait et appréciait ces attentions, qui lui apportaient un soulagement réel.

« Je manque de confiance en moi-même et de décision, dit-elle enfin. Je n’ai jamais possédé ces qualités ; cependant je pensais que miss Keeldar eût dû assez bien connaître mon caractère pour savoir que j’éprouve toujours une sollicitude profonde à bien faire, à agir pour le mieux. La nature inaccoutumée de la demande m’a effrayée, surtout venant après l’alarme de la nuit. Je ne pouvais prendre sur moi d’agir précipitamment pour une autre ; mais j’espère qu’aucun mal sérieux ne sera arrivé par le fait de mon manque de fermeté. »

Un léger coup fût en ce moment frappé à la porte, qui s’entr’ouvrit.

« Venez ici, Caroline, dit une voix basse. »

Miss Helstone sortit : dans la galerie, elle trouva Shirley contrite, honteuse, affligée comme une enfant repentante.

« Comment se trouve mistress Pryor ? demanda-t-elle.

— Très-abattue, dit Caroline.

— J’ai agi honteusement, sans générosité et d’une façon ingrate envers elle, dit Shirley. Quelle insolence de ma part de l’avoir traitée ainsi, lorsqu’elle n’était coupable d’aucune faute, et qu’elle avait obéi à un excès de délicatesse ! Mais je regrette bien sincèrement mon erreur. Dites-le-lui, et demandez-lui si elle voudra me pardonner. »

Caroline s’acquitta de la commission avec un vif plaisir. Mistress Pryor se leva et vint à la porte : elle n’aimait pas les