Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/383

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tress Pryor en fit son domaine ; elle faisait tout ce qu’il y avait à faire ; elle y demeurait le jour et la nuit. La malade s’y opposa, faiblement, cependant, au commencement, puis plus du tout : la solitude et la tristesse étaient en ce moment bannies de son chevet, où s’étaient installées à leur place la protection et la consolation. Elle et sa garde-malade s’entendaient à merveille. Caroline était ordinairement affligée de demander ou de recevoir beaucoup de soins ; mistress Pryor, dans les circonstances ordinaires, n’avait ni l’habitude ni l’art d’accomplir les petits détails du service : mais maintenant tout se passait avec tant d’aisance, si naturellement, que la malade avait autant de plaisir à se laisser choyer que la garde avait de propension à la soigner. Aucun signe de fatigue chez la dernière ne venait rappeler à la première qu’elle devait la ménager. Il n’y avait, en vérité, aucuns devoirs bien durs à accomplir ; mais une mercenaire les eût trouvés rudes.

Avec tous ces soins, il semblait étrange que la jeune malade n’allât pas mieux : et cependant il en était ainsi. Elle fondait comme une guirlande de neige au dégel ; elle se fanait comme une fleur dans la sécheresse. Miss Keeldar, dont le danger de la mort occupait rarement les pensées, n’avait d’abord éprouvé aucune crainte pour son amie ; mais la voyant changer et dépérir d’une visite à l’autre, l’alarme la saisit au cœur. Elle alla trouver M. Helstone, et s’exprima avec tant d’énergie, que ce gentleman fut bien obligé, quoique à regret, d’admettre l’idée que sa nièce avait quelque chose de plus qu’une migraine ; et, quand mistress Pryor vint réclamer l’assistance d’un médecin, il lui dit qu’elle en pouvait faire appeler deux si elle le voulait. Il en vint un seul, mais celui-là était un oracle : il débita un obscur discours dont l’avenir seul pouvait éclaircir le mystère, écrivit quelques prescriptions, donna quelques avis, le tout avec un air d’écrasante autorité, empocha les honoraires et partit. Probablement savait-il suffisamment qu’il ne pouvait faire aucun bien ; mais il n’aimait pas l’avouer.

Cependant aucune rumeur de maladie sérieuse ne s’était répandue dans le voisinage. Au cottage de Hollow on pensait que Caroline avait seulement un violent rhume, car elle avait écrit dans ce sens à Hortense ; et mademoiselle s’était contentée de lui envoyer deux pots de conserves de groseille, une recette de tisane, et un avis écrit.

Mistress Yorke, ayant appris qu’un médecin avait été appelé,