Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/415

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garde : chacun de vos pleurs efface un péché. Pleurez, vos larmes ont la vertu dont manquaient les rivières de Damas : comme les eaux du Jourdain, elles peuvent purifier une mémoire lépreuse. Madame, continua-t-elle en s’adressant à mistress Pryor, avez-vous pensé que je pourrais chaque jour vous voir avec votre fille, observer votre merveilleuse similitude en beaucoup de points, observer, pardonnez-moi, votre irrépressible émotion en la présence, et plus encore en l’absence de votre enfant, et ne pas former mes conjectures ? Je les ai formées, et elles se sont trouvées littéralement correctes. Je vais commencer à me croire habile.

— Et vous n’avez rien dit ? reprit Caroline, qui était parvenue à maîtriser son émotion.

— Rien. Je ne me croyais pas autorisée à dire un mot sur ce sujet. Ce n’était pas mon affaire ; je ne voulais pas m’en mêler.

— Vous avez deviné un secret si important, et vous n’avez pas laissé entrevoir que vous le connaissiez ?

— Est-ce donc si difficile ?

— Ce n’est pas conforme à vos habitudes.

— Comment le savez-vous ?

— Vous n’êtes pas habituellement réservée. Vous êtes franchement communicative.

— Je puis être communicative, et cependant savoir où je dois m’arrêter. En montrant mon trésor, je puis cacher une perle ou deux, une pierre curieuse et gravée, une amulette, dont je me permets rarement même de regarder le mystique éclat. Bonjour. »

Caroline sembla ainsi voir le caractère de Shirley sous un aspect nouveau.

Elle n’eut pas plus tôt recouvré une force suffisante pour supporter un changement de scène, l’excitation produite par une petite société, que miss Keeldar réclama chaque jour sa présence à Fieldhead. Shirley se trouvait-elle fatiguée de ses honorés parents ? c’est ce que l’on ne savait pas, car elle ne disait rien ; mais elle réclama et retint Caroline avec un empressement qui prouvait qu’une addition à cette digne compagnie ne lui était pas chose désagréable.

Les Sympson étaient gens d’Église. Du reste, la nièce du recteur fut accueillie par eux avec courtoisie. M. Sympson était un homme qui unissait une respectabilité sans tache à un tem-