Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/441

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

blant sur sa poitrine, brillaient étrangement au milieu de l’obscurité de cette chambre de malade. Son air était sérieux et pensif : elle parla avec douceur.

« Monsieur Moore, comment vous trouvez-vous ce soir ?

— Je n’ai pas été bien malade, et maintenant je me trouve mieux.

— J’ai appris que vous vous plaigniez de la soif ; je vous ai apporté quelques raisins. Pouvez-vous en goûter un ?

— Non. Mais je vous remercie de vous être souvenue de moi.

— Seulement un. »

Et d’une magnifique grappe qui remplissait un petit panier qu’elle tenait à la main, elle détacha un grain qu’elle présenta aux lèvres du malade. Il secoua la tête, et tourna de côté son visage couvert de rougeur.

« Mais que puis-je alors vous apporter à la place ? Vous ne voulez pas de fruit ; cependant je vois que vos lèvres sont desséchées. Quel est le breuvage que vous préférez ?

— Mistress Gill me donne de la tisane et de l’eau ; c’est tout ce qu’il me faut. »

Il y eut un silence de quelques minutes.

« Souffrez-vous ? éprouvez-vous des douleurs ?

— Très-peu.

— Qu’est-ce qui vous a rendu malade ? »

Nouveau silence.

« Je me demande ce qui a pu vous donner cette fièvre. À quoi l’attribuez-vous ?

— Aux miasmes peut-être, à la malaria. Nous sommes en automne, les fièvres sont fréquentes.

— J’ai appris que vous visitiez souvent les malades de Briarfield et aussi ceux de Nunnely, en compagnie de M. Hall. Vous devriez être sur vos gardes : ce n’est point être sage que d’être téméraire.

— Vous me faites penser, miss Keeldar, que peut-être vous eussiez mieux fait de ne point entrer dans cette chambre, et de ne point venir si près de ce lit. Je ne pense pas que ma maladie soit contagieuse ; je ne crains pas de vous la voir contracter (avec une sorte de sourire) ; mais pourquoi vous exposeriez vous-même à l’ombre d’un danger ? Laissez-moi.

— Patience. Je ne resterai pas longtemps. Mais j’aurais plaisir à faire quelque chose pour vous, à vous rendre quelque petit service…