isolée, pour s’éteindre au fond d’un noir ravin. Elle se demandait si elle était ainsi destinée à se consumer et à périr, si sa vivante lumière devait passer sans faire aucun bien, sans être vue ni cherchée, étoile perdue dans un firmament sans étoiles, dans lequel ni berger, ni pèlerin, ni sage, ni prêtre, ne verraient un guide ou ne liraient une prophétie ? En pouvait-il être ainsi, se demandait-elle, lorsque la flamme de son intelligence brûlait si vive ; lorsque sa vie se manifestait si vraie, si réelle, si puissante ; lorsque quelque chose en elle d’inquiet et d’agité lui prouvait qu’elle avait reçu de Dieu une force à laquelle elle devait trouver un exercice ?
Elle regardait le Ciel et le Soir : le Ciel et le Soir lui rendaient ses regards. Elle regarda en bas, cherchant la rive, la montagne, la rivière, qui s’étendaient au-dessous d’elle. Tous les objets qu’elle interrogea lui répondirent par oracles : elle entendit, elle fut impressionnée, mais elle ne put comprendre. Elle leva ses mains jointes au-dessus de sa tête.
« Guide, Assistance, Consolation, venez ! » s’écria-t-elle.
Aucune voix ne répondit.
Elle attendit, agenouillée, regardant fixement en haut. Le ciel se perdait à l’horizon. Les étoiles brillaient éparses dans l’espace immense.
À la fin, une corde trop tendue de son agonie se relâcha : il lui sembla que quelque chose d’éloigné se rapprochait : elle entendit comme la voix du Silence. Ce n’était ni un langage, ni un mot ; seulement un son.
De nouveau un son harmonieux, plein, puissant, un son profond et doux comme le frémissement de l’orage, fit onduler le crépuscule.
Puis, plus profond, plus rapproché, plus clair, il roula harmonieusement.
Puis enfin… une voix distincte passa entre le Ciel et la Terre :
« Ève ! »
Si Ève n’était pas le nom de cette femme, elle n’en avait aucun. Elle se leva.
« Me voici !
— Ève !
— Oh ! Nuit ! (ce ne peut être que la Nuit qui parle) me voici ! »
La voix, descendant, atteignit la Terre.