Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/502

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au milieu de sordides privations et d’accablants chagrins. J’en ai vu d’autres originairement bas, et auxquels le manque d’éducation laissait à peine d’autres besoins que ceux de la brute, désappointés dans ces besoins et mourant de faim, désespérés comme des animaux affamés : j’ai vu des choses qui ont enseigné à mon cerveau une leçon nouvelle, et rempli mon cœur de nouveaux sentiments. Je n’ai aucune intention de montrer plus de douceur et de sensibilité qu’auparavant. Je regarde la révolte et l’ambition comme je les ai toujours regardées ; je résisterai à une émeute absolument comme je l’ai fait. Je me mettrais sur la trace d’un meneur fugitif avec autant d’ardeur, je le poursuivrais avec autant de persévérance, je le ferais punir avec autant de sévérité que je l’ai fait ; mais j’agirais maintenant dans l’intérêt et la sécurité de ceux qu’il égarait. Il y a quelque chose à voir, Yorke, au delà de l’intérêt personnel, de la réussite de plans bien conçus, de l’acquittement de dettes déshonorantes. Pour se respecter soi-même, il faut qu’un homme ait la conviction qu’il rend justice à ses semblables. À moins que je ne sois plus modéré pour l’ignorance, plus compatissant envers ceux qui souffrent que je ne l’ai été jusqu’ici, je me mépriserai comme grossièrement injuste. Qu’est-ce donc ? dit-il en s’adressant à son cheval, qui, entendant le murmure de l’eau et ayant soif, se tournait vers un fossé où la lune se jouait sur une onde de cristal… Yorke, continua Moore, allez toujours, je veux le laisser boire. »

Yorke, en conséquence, continua à chevaucher assez lentement, cherchant, à mesure qu’il avançait, à discerner, parmi les nombreuses lumières qui brillaient au loin, celle de Spiarfield. Le marais de Stilbro’ était derrière eux ; les plantations s’élevaient sombres de chaque côté ; ils descendaient la colline ; au-dessous d’eux se déroulait la vallée avec sa populeuse paroisse : ils se voyaient presque arrivés.

N’étant plus environné par la bruyère, M. Yorke ne fut pas surpris de voir un chapeau se lever, et d’entendre une voix parler de derrière le mur. Les paroles, cependant, étaient singulières.

« Lorsque le méchant périt, il y a des cris de joie, » disait la voix. Puis elle ajouta : « Le méchant passe comme le tourbillon (avec un grondement plus sourd). Il est envahi par la terreur comme par les eaux ; l’enfer s’ouvre devant lui ; il mourra sans connaissance. »