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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/503

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Un éclair soudain et une détonation troublèrent le calme de la nuit. Avant que M. Yorke eût eu le temps de se retourner, il comprit que les quatre convicts de Birmingham étaient vengés.




CHAPITRE VI.

L’oncle et la nièce.


Le dé était jeté. Sir Philippe le savait ; Shirley le savait. Cette soirée, où toute la famille de Fieldhead dînait au prieuré de Nunnely, devait décider de l’affaire.

Deux ou trois choses avaient amené sir Philippe Nunnely à se prononcer. Il avait observé que miss Keeldar avait l’air pensif et souffrant. Cette nouvelle phase dans sa manière d’être le frappa dans son côté faible, son côté poétique. Des sonnets fermentèrent tout à coup dans son cerveau ; et, pendant qu’ils s’élaboraient, une des sœurs persuada à la dame de ses amours de s’asseoir au piano et de chanter une ballade, une des propres ballades de sir Philippe. C’était le moins travaillé, le moins affecté, et sans comparaison le meilleur de ses nombreux essais poétiques.

Il arriva que Shirley, l’instant auparavant, avait été occupée à regarder par la fenêtre donnant sur le parc ; elle avait vu ce clair de lune orageux que le professeur Louis, peut-être au même moment, contemplait de la fenêtre du parloir de Fieldhead ; elle avait vu les arbres isolés du domaine, des chênes puissants et des hêtres d’une hauteur immense, agités par la tourmente. Son oreille avait entendu le mugissement profond de la forêt ; son œil avait vu les nuages violemment chassés passer sur le disque argenté de la lune : elle s’arracha à cette vue et à ces bruits, touchée, sinon ravie, excitée, sinon inspirée.

Elle chanta, comme on l’en avait priée. Il y avait beaucoup de choses dans la ballade : l’amour fidèle qui refusait d’abandonner son objet ; l’amour que le malheur ne pouvait ébranler ; l’amour qui dans la calamité devenait plus fort, dans la pauvreté s’attachait plus étroitement : les paroles étaient adaptées