Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une manière barbare ; ni l’un ni l’autre n’étaient inhumains, bien qu’ils parussent être fort rigides, car ils mirent à l’amende un délinquant qui s’était trop attardé. M. Moore lui fit payer son penny avant d’entrer, et l’avertit que la prochaine infraction lui coûterait deux pence.

Sans doute des règlements sont nécessaires ; mais des maîtres durs et cruels font souvent des règlements durs et cruels, et de tels maîtres n’étaient pas rares dans les temps dont nous parlons. Cependant, bien que les caractères que je trace ne soient rien moins que parfaits (tous les caractères de ce livre seront trouvés plus ou moins imparfaits), il n’entre pas dans mon plan d’en montrer de dégradés ou d’infâmes. Je livre ceux qui torturent les enfants, comme des conducteurs d’esclaves, entre les mains des geôliers.

Donc, au lieu d’attrister l’âme du lecteur par des descriptions de peines et de tortures, je suis heureux de lui apprendre que jamais Moore ni son contre-maître ne frappaient un enfant dans la fabrique. Joe avait, il est vrai, une fois fouetté vigoureusement un de ses propres enfants qui avait menti et persistait opiniâtrement dans son mensonge ; mais, comme son maître, Joe était un homme trop flegmatique, trop calme, trop raisonnable pour faire de la punition corporelle des enfants autre chose que l’exception.

M. Moore se promena dans la fabrique, dans la cour, dans la teinturerie et dans les magasins, jusqu’au lever du soleil. À huit heures, les lampes furent éteintes et la cloche donna le signal du déjeuner. Les enfants, quittant pour une demi-heure leur travail, s’emparèrent du petit bidon de fer-blanc qui renfermait leur café, et du petit panier qui contenait leur pain. Espérons que tous peuvent donner satisfaction à leur appétit ; il serait trop douloureux de penser autrement.

Enfin M. Moore quitta la cour de la fabrique et se dirigea vers sa demeure, située à peu de distance. C’était une petite maison toute blanche, dont la porte était surmontée d’un porche vert. Quelques rares tiges brunes s’élevaient dans le jardin autour de ce porche, et aussi au-dessous des fenêtres, tiges maintenant sans feuilles et sans fleurs, mais qui promettaient des voûtes de verdure pour les jours d’été. Une pelouse bordée de plates-bandes s’étendait au-devant de la maison. Les plates-bandes montraient seulement leur terreau noir, excepté dans quelque coin abrité, où les premières pousses du voilier d’hiver