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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/540

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— Des choses qui nous étonnèrent. Shirley se mit enfin à rire ; je pleurai ; maman était sérieusement contrariée : nous fûmes toutes trois expulsées du champ de bataille. Depuis ce temps, je me suis contentée de passer devant la maison une fois par jour, pour avoir la satisfaction de regarder à votre fenêtre, que je pouvais distinguer à cause des rideaux qui étaient tirés. Je n’osais réellement pas entrer.

— Je vous ai désirée, Caroline.

— Je ne savais pas cela ; je n’ai jamais songé un instant que vous pensiez à moi. Si j’avais seulement pu imaginer cette possibilité…

— Mistress Yorke vous eût encore mises à la porte.

— Oh ! que non ! j’aurais employé le stratagème, si la persuasion m’eût fait défaut ; je serais venue à la porte de la cuisine. Les servantes m’auraient laissé entrer, et je serais montée droit à l’étage supérieur. Dans le fait, c’était bien plus la crainte de l’intrusion, la crainte de vous-même, qui me retenaient, que la crainte de mistress Yorke.

— Seulement hier soir je désespérai de vous voir jamais. La faiblesse avait produit sur moi un terrible découragement.

— Et vous étiez seul ?

— Pis que seul !

— Mais vous devez aller mieux, puisque vous pouvez quitter votre lit ?

— Je ne sais si je vivrai ; je ne vois rien de possible, après un tel épuisement, que le dépérissement.

— Vous retournerez à Hollow.

— La tristesse m’y accompagnerait, rien de gai ne m’approche.

— Je veux changer cela ; il faut que cela soit changé, fallût-il lutter pour cela contre dix mistress Yorke.

— Cary, vous me faites sourire.

— Souriez, souriez encore. Faut-il vous dire ce que j’aimerais ?

— Dites-moi tout, seulement continuez de causer ; je suis comme Saül : faute de musique, je périrais.

— J’aimerais à vous voir transporté à la rectorerie et confié à mes soins et à ceux de maman.

— Précieux cadeau ! Je n’ai pas ri une seule fois depuis qu’ils m’ont voulu assassiner.

— Souffrez-vous, Robert ?

— Pas beaucoup maintenant ; mais je suis ordinairement faible, et mon esprit est singulièrement sombre, vide et impuis-