Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/573

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— C’est le contraire qui est évident, monsieur Moore. »

Je la trouvais charmante ainsi, l’air de plus en plus dédaigneux, moitié insultant, et l’orgueil, la froide décision brillant dans ses beaux grands yeux, qui ressemblaient en ce moment à ceux d’un merle.

« Faites-moi la faveur de me dire les raisons d’une semblable opinion, miss Keeldar.

— Comment pourriez-vous accomplir un acte semblable, je vous le demande ?

— Très-aisément et promptement, si je trouvais la personne convenable.

— Acceptez le célibat ! (Elle fit un geste de la main, comme si elle me donnait quelque chose.) Prenez-le comme étant votre destinée.

— Non ; vous ne pouvez me donner ce que j’ai déjà. Le célibat a été mon lot pendant trente ans. Si vous désiriez m’offrir un présent, un cadeau d’adieu, un souvenir, il vous faut changer le don.

— Prenez pire, alors !

— Comment ? quoi ? »

En ce moment, je sentais, je regardais, je parlais avec feu. J’avais eu tort de quitter mon ancre de calme, même pour un instant ; cela me privait d’un avantage qui passait de son côté. La petite étincelle de dédain se changea en sarcasme et se répandit sur sa physionomie en rides d’un sourire moqueur.

« Prenez une femme qui vous a fait la cour pour sauver votre modestie, et s’est jetée elle-même à vous pour épargner vos scrupules.

— Montrez-moi seulement où elle est.

— Quelque grosse veuve qui a eu déjà plusieurs maris, et sait comment se pratiquent ces choses.

— Alors il ne faut pas qu’elle soit riche. Oh ! ces richesses !

— Ah ! ce n’est pas vous qui auriez jamais cueilli les produits du jardin des Hespérides. Vous n’avez pas le courage d’attaquer le vigilant dragon ; vous n’avez pas l’habileté de vous procurer l’assistance d’Atlas.

— Vous paraissez violente et hautaine.

— Et vous bien plus hautain. Votre fierté est l’orgueil monstrueux qui contrefait l’humilité.

— Je suis dépendant, je connais ma place.

— Je suis femme, je connais la mienne.