Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/601

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Nous sommes en août : les cloches retentissent encore, non-seulement à travers le Yorkshire, mais aussi à travers l’Angleterre. D’Espagne la voix de la trompette a sonné longtemps ; elle devient de plus en plus retentissante ; elle proclame Salamanque gagnée. Ce soir-là Briarfield doit être illuminé. Ce jour-là tous les fermiers du domaine de Briarfield dînent ensemble ; les ouvriers de la fabrique de Hollow seront réunis pour un semblable objet. Les écoles ont une grande fête. Le matin, deux mariages ont été célébrés dans l’église de Briarfield : celui de Louis Gérard Moore, Esq., avec Shirley, fille de feu Charles Cave, de Fieldhead, et celui de Robert Gérard Moore, de la fabrique de Hollow, avec Caroline, nièce du Révérend Matthewson Helstone, maître ès arts, recteur de Briarfield.

Le premier de ces mariages a été célébré par M. Helstone, Hiram Yorke, squire de Briarmains, conduisant la fiancée ; le second, par M. Hall, curé de Nunnely. Parmi les invités, les plus remarquables personnages étaient les deux jeunes garçons d’honneur, Henry Sympson et Martin Yorke.

Je suppose que les prophéties de M. Moore se réalisèrent, du moins en partie. L’autre jour je passais près de Hollow, que la tradition dit avoir autrefois été vert, solitaire et sauvage ; là je vis le corps des rêves du manufacturier, une jolie maison en pierres et en briques, la grande route formée de cendres noires, les cottages et les jardins ; là je vis une puissante fabrique, et une cheminée ambitieuse comme la tour de Babel. À mon retour, je dis à ma vieille femme de ménage où j’étais allé.

« Ah ! dit-elle, le monde a de singuliers changements. Je me rappelle avoir vu bâtir le vieux moulin, le premier qui fut construit dans tout le district ; puis je me souviens aussi de l’avoir vu jeter par terre, et d’être allée avec mes compagnes voir poser la première pierre du nouveau. Les deux messieurs Moore firent grand étalage en cette occasion ; ils étaient là, et il y avait une grande quantité de beau monde ; leurs deux ladies y étaient aussi ; elles paraissaient jolies et magnifiques, mais la plus splendide était mistress Louis : elle portait toujours de si belles robes ! Mistress Robert était plus simple. Mistress Louis souriait en parlant : elle avait l’air heureuse, contente et bonne ; mais elle avait des yeux qui vous traversaient le corps. Il n’y a plus de ladies comme celles-là de nos jours.