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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/619

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vive, que j’aurais préférée à tout le reste, mais avec laquelle je n’avais rien à faire.

Je parlai à mes petits élèves le mieux que je pus, et essayai de me rendre agréable, mais avec peu de succès, car la présence de leur mère me gênait beaucoup. C’étaient pourtant des enfants vifs et sans gêne, et j’espérais être bientôt en bons termes avec eux, avec le petit garçon particulièrement, dont j’avais entendu vanter le caractère par la mère. Chez Mary-Anne, il y avait un certain sourire affecté et un désir d’attirer l’attention que je fus fâchée d’observer. Mais son frère attira toute mon attention : il se tenait droit entre moi et le feu, les mains derrière le dos, parlant comme un orateur, et s’interrompent quelquefois pour adresser d’aigres reproches à ses sœurs quand elles faisaient trop de bruit.

« Oh ! Tom, quel chéri vous êtes ! s’écria sa mère. Venez embrasser chère maman ; et ensuite ne voudrez-vous pas montrer à miss Grey votre salle d’étude et vos jolis livres neufs ?

— Je ne veux pas vous embrasser, maman, mais je montrerai à miss Grey ma salle d’étude et mes livres neufs.

— Et ma salle d’étude et mes livres neufs, Tom, dit Mary-Anne. Ce sont les miens aussi.

— Ce sont les miens, répliqua-t-il avec décision. Venez, miss Grey, je veux vous escorter. »

Quand la chambre et les livres m’eurent été montrés, avec quelques disputes entre le frère et la sœur que j’apaisai ou adoucis de mon mieux, Mary-Anne m’apporta sa poupée, et commença à devenir très-loquace sur le sujet de ses habits, de sa commode et de ses autres affaires ; mais Tom lui ordonna de se taire, afin que miss Grey pût voir son cheval de bois, qu’avec le plus grand empressement il tira au milieu de la chambre, en réclamant hautement mon attention. Puis, commandant à sa sœur de tenir les rênes, il monta à cheval, et me fit rester là dix minutes pour admirer comme il savait se servir de la cravache et de l’éperon. Pourtant j’admirai la jolie poupée de Mary-Anne et tout le reste ; puis je dis à Tom qu’il était un parfait cavalier, mais que j’espérais qu’il ne se servirait pas autant de la cravache ni de l’éperon lorsqu’il monterait un vrai cheval.

« Oh, certainement que je m’en servirai, dit-il en frappant avec un redoublement d’ardeur. Je le couperai comme de la fumée ! Eh ! ma parole, je le ferai suer. »