Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/627

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fallait. Il lui arrivait souvent de se refuser positivement à étudier, à répéter ses leçons, et même à regarder sur son livre. Là encore, une bonne verge de bouleau eût été d’un bon service ; mais mon pouvoir étant limité, il me fallait faire le meilleur usage possible du peu que j’avais.

Les heures d’étude et de récréation n’étant point fixées, je résolus de donner à mes élèves une certaine tâche, qu’avec une application modérée ils pussent exécuter dans un temps assez court. Jusqu’à ce que cette tâche fût accomplie, quelque fatiguée que je fusse, quelque pervers qu’ils se montrassent, rien, excepté l’ordre formel des parents, ne pourrait me forcer à les laisser sortir de la salle d’étude, dussé-je me placer avec ma chaise en faction devant la porte. La patience, la fermeté, la persévérance, étaient mes seules armes, et j’étais bien décidée à m’en servir jusqu’au bout. Je résolus de tenir toujours strictement les menaces et les promesses que j’aurais faites, et pour cela d’être prudente et de ne faire que des menaces et des promesses que je pusse accomplir. Je m’abstiendrais donc soigneusement de toute irritation inutile. Quand ils se conduiraient bien, je serais aussi bonne et aussi obligeante que possible, afin de leur faire apercevoir la distinction entre la bonne et la mauvaise conduite. Je raisonnerais avec eux de la manière la plus simple et la plus efficace. Quand je les réprimanderais ou refuserais de me prêter à leurs désirs après quelque grosse faute, ce serait plutôt d’un air triste que colère. Je rendrais leurs petites hymnes et leurs prières claires et intelligibles pour eux ; quand ils diraient leurs prières le soir et demanderaient pardon de leurs offenses, je leur rappellerais les fautes de la journée, solennellement, mais avec une parfaite bonté, pour éviter d’éveiller en eux un esprit d’opposition. Les hymnes pénitentielles seraient dites par celui qui aurait été méchant ; les hymnes d’allégresse par celui qui aurait été sage. Toute espèce d’instruction leur serait ainsi donnée, autant que possible, sous forme de conversation familière, et avec nul autre objet apparent en vue que leur amusement.

J’espérais, par ces moyens, faire le bien des enfants et obtenir l’approbation des parents, et prouver à mes amis du presbytère que je n’étais pas aussi dénuée d’habileté et de prudence qu’ils le supposaient. Je savais que les difficultés que j’avais à combattre étaient grandes ; mais je savais aussi (du moins je le croyais) qu’une patience et une persévérance incessantes pou-