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Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/705

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dessus les palissades du parc, avec son livre fermé dans une main, et dans l’autre une gracieuse branche de myrte qui lui servait de jouet ; ses boucles dorées qui s’échappaient à profusion de son petit chapeau, doucement agitées par la brise ; ses joues roses enluminées par le plaisir de la vanité satisfaite ; son œil bleu, tantôt jetant un regard timide sur son admirateur, tantôt s’abaissant sur la branche de myrte. Mais Snap, courant devant moi, l’interrompit au milieu d’une repartie moitié impertinente, moitié enjouée, en la saisissant par sa robe et la tirant violemment, ce qui irrita M. Hatfield, qui, de sa canne, administra un coup sonore sur le crâne de l’animal, et l’envoya glapissant auprès de moi avec un bruit qui amusa beaucoup le révérend gentleman. Mais, me voyant si proche, il pensa, je suppose, que ce qu’il avait de mieux à faire c’était de s’en aller ; et, comme je me baissais pour caresser le chien afin de montrer que je désapprouvais sa sévérité, je l’entendis dire :

« Quand vous reverrai-je, miss Murray ?

— À l’église, je suppose, répondit-elle, à moins que vos affaires ne vous amènent ici au moment précis où je me promène de ce côté.

— Je pourrais m’arranger de façon à avoir toujours à faire ici, si je savais le moment précis et le lieu où vous rencontrer.

— Mais, quand même je voudrais vous en informer, je ne le pourrais pas : je suis si peu méthodique ! je ne puis jamais dire aujourd’hui ce que je ferai demain.

— Alors donnez-moi, en attendant, cela pour me consoler, dit-il d’un ton moitié plaisant, moitié sérieux, et, en étendant la main pour s’emparer de la branche de myrte.

— Non, vraiment, non je ne le puis.

— Donnez-le-moi, je vous en prie. Je serai le plus infortuné des hommes si vous ne me le donnez pas. Vous ne pouvez avoir la cruauté de me refuser une faveur qui vous coûtera si peu et que j’estime à si haut prix ! » disait-il avec autant d’ardeur que si sa vie en eût dépendu.

Pendant ce temps, j’étais à quelques pas d’eux, attendant qu’il s’en allât.

« Allons, prenez-le et partez, » dit Rosalie.

Il reçut le don avec joie, murmura quelque chose qui la fit rougir et secouer la tête, mais avec un petit sourire qui montrait que son déplaisir n’était qu’affecté ; puis il se retira en faisant une salutation polie.