Page:Bronte - Shirley et Agnes Grey.djvu/733

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étouffer, nous sommes souvent portés à en chercher le soulagement dans la poésie, et souvent aussi nous l’y trouvons, soit dans les effusions des autres qui semblent s’harmonier avec notre état, soit dans nos propres efforts pour exprimer des pensées et des sentiments en vers moins mélodieux peut-être, mais plus appropriés aux circonstances et par conséquent plus pathétiques, et plus propres à alléger le cœur du fardeau qui l’écrase. Avant ce temps, à Wellwood-House et ici, lorsque je souffrais du mal du pays, j’avais cherché deux ou trois fois du soulagement dans cette secrète source de consolation. J’y recourus de nouveau avec plus d’avidité que jamais, parce qu’elle me semblait plus nécessaire. Je conserve encore ces reliques de la douleur et de l’expérience passées, comme des colonnes érigées par le voyageur dans la vallée de la vie pour marquer quelque circonstance particulière. Les pas sont effacés maintenant ; la face du pays peut être changée, mais la colonne est toujours là, debout, pour me rappeler dans quel état étaient les choses lorsque je l’ai élevée. Si le lecteur est curieux de lire quelques-uns de ces épanchements, je puis lui en donner un spécimen. Tout faibles et languissants que ces vers puissent paraître, c’est pourtant dans un paroxysme de douleur qu’ils furent écrits.


Hélas ! ils m’ont ravi l’espérance si chère
Que mon esprit tendrement caressait ;
Ils m’ont pris, sans pitié de ma douleur amère,
Ta douce voix que mon cœur chérissait.

Je ne reverrai plus ton calme et doux visage,
Qui d’un éclat chaste à mes yeux brillait ;
Ils m’ont pris ton sourire, autre divin langage,
Qui par son charme aux cieux me transportait.

Eh bien ! qu’ils prennent donc tout ce qu’ils pourront prendre ;
Un vrai trésor toujours restera mien :
Mon cœur, un cœur qui t’aime et qui peut te comprendre ;
Un cœur qui sait tout ce que vaut le tien.


Oui ! au moins ils ne pouvaient pas m’ôter cela. Je pouvais penser à lui nuit et jour ; je pouvais sentir à toute heure qu’il était digne d’occuper mes pensées. Personne ne le connaissait comme moi ; personne ne pouvait l’aimer comme… je l’aurais aimé ; mais là était le mal. À quoi me servirait-il de tant pen-