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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

l’imprimeur est tenu de ne livrer à la vente que des livres corrects ; s’il se reconnaît incapable de satisfaire à cette obligation, il doit s’entourer d’individus plus savants et plus compétents que lui, ainsi que François Ier l’ordonne par l’article 16 de l’édit du 31 août 1539 : « Se les maistres imprimeurs des livres en latin ne sont savans ne suffisans pour corriger les livres qu’ils imprimeront, seront tenuz avoir correcteurs suffisans, sur peine d’amende arbitraire[1]… » Cette prescription fut souvent rappelée aux intéressés : par la déclaration du 27 juin 1551, par les articles 12 et 23 de l’édit de 1571, par la déclaration de 1572, puis aussi par l’article 12 du règlement du 20 novembre 1610, par l’article 36 du règlement de 1649 et par un arrêt du Conseil en date du 27 février 1665 ; enfin, l’article 56 du règlement de 1723 décidait encore : « Les imprimeurs qui ne pourront eux-mêmes vacquer à la correction de leurs ouvrages se serviront de correcteurs capables… »

« Correcteurs suffisants », dit l’édit de 1539 ; « correcteurs capables », ordonne le règlement de 1723 : quelles connaissances techniques, littéraires et scientifiques le correcteur devait-il posséder pour être jugé « suffisant » ; quel critérium un maître imprimeur avait-il pour reconnaître et apprécier les « capacités » de son correcteur ? Les textes sont muets à cet égard ; mais il est aisé, à l’aide de faits certains — degré d’instruction exigé de l’apprenti typographe, conditions auxquelles le compagnon doit satisfaire pour accéder à la maîtrise — d’obtenir sur ce sujet une approximation aussi précise qu’on peut le désirer.


A. — Instruction exigée de l’apprenti typographe aux temps anciens


Rappelons, tout d’abord, que l’exercice de la profession d’imprimeur fut, pendant un siècle, de 1470 à 1571, entièrement libre[2] ; les formalités, obligatoires dans les autres corporations, de l’apprentissage, du compagnonnage, du chef-d’œuvre n’étaient pas encore ré-

  1. « Arbitraire » : expression d’usage courant dans les règlements anciens ; elle laissait au juge la faculté de fixer le taux de l’amende suivant la situation de l’accusé, la gravité de la faute, et le plus ou moins de faveur dont pouvait se prévaloir la personnalité en cause.
  2. Voir page 105 et, note 2, page 542.