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SON INSTRUCTION
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glementées dans la typographie : « s’établissait maître qui voulait ». L’apprenti n’avait dès lors, au moment de son entrée chez le patron, à satisfaire à aucune prescription légale particulière. Il est évident, toutefois, que, pour s’assimiler, pour acquérir suffisamment une technique d’essence aussi particulière que l’est celle de notre métier, chaque débutant devait se soumettre pendant quelque temps à une éducation préparatoire à l’exercice de la typographie. Mais le stage n’avait d’obligation que cette nécessité même et la volonté du candidat ; l’accord réciproque du maître et du futur apprenti en déterminait seul la durée, sans doute proportionnée à l’instruction littéraire que l’élève possédait et à l’intelligence dont il était doué et dont il faisait preuve. Aux premiers temps, cet accord était peut-être verbal ; un quart de siècle après l’apparition de l’imprimerie à Paris, il était devenu notarié[1], suivant l’usage adopté par tous les autres corps de métiers.

Ainsi en cette matière, comme en beaucoup d’autres dans l’imprimerie, l’initiative privée devança la réglementation royale : l’apprentissage était, en fait, devenu obligatoire depuis longtemps lorsque François Ier, par sa déclaration du 21 décembre 1541, en imposa la nécessité, affirmée à nouveau par l’édit de Gaillon du 9 mai 1571. Toutefois, le roi n’exige encore du futur apprenti aucune condition spéciale, au point de vue de l’âge, non plus que des connaissances nécessaires[2]. Ce ne fut guère que sous la pression des événements et pour donner satisfaction à des « remontrances » fort vives et justifiées de la part des compagnons que, le 10 septembre 1572, Charles IX, dans sa déclaration, ordonna : « Et quant au dix-neuvième article, nul apprenti compositeur ne sera reçu à son apprentissage qu’il ne sache lire et écrire… »

On conviendra aisément que l’obligation imposée à un apprenti compositeur de « savoir lire et écrire » était en quelque sorte une prescription dont, employant une expression moderne, M. de la Palisse n’eût point renié la paternité. Mais, précisément en raison de sa néces-

  1. Le premier contrat notarié dont fassent mention les auteurs que nous avons consultés date de 1504. Il en existe, sans doute, d’autres antérieurs à cette époque ; mais il ne nous a pas été donné de les rencontrer.
  2. Ce mutisme s’explique suffisamment en raison des usages qui s’étaient établis dans la corporation et du degré d’instruction que possédaient ordinairement les compagnons, instruction indispensable pour lire et composer couramment le latin, parfois le grec, et même l’hébreu.