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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

tion devenue incompatible avec sa présence presque constante à l’atelier et la surveillance qu’il doit y exercer » ; il impose alors le souci de la lecture des épreuves au correcteur — un personnage non point nouveau, on le sait — que les exigences du travail astreignent à une présence régulière à l’imprimerie et qui peu à peu devient ce que nous le voyons aujourd’hui.

Cependant la confusion d’attributions qui exista tant d’années, par la réunion en une même individualité des obligations du prote et de celles du correcteur, devait subsister longtemps encore dans l’esprit du public. Le prote et le correcteur ont élevé si haut des fonctions qui leur furent communes que de nos jours les profanes ne songent que vaguement à une distinction possible de ces deux rôles[1].

L’Académie elle-même, dans une des éditions de son Dictionnaire, a imité sur ce point l’erreur populaire : après avoir défini le prote « celui qui, sous les ordres de l’imprimeur, est chargé de diriger et de conduire tous les travaux, de maintenir l’ordre dans l’établissement et de payer les ouvriers », elle ajoute : « Il se dit aussi de ceux qui lisent et corrigent les épreuves[2]. » N’en déplaise à la docte compagnie, si la première partie de sa définition est, sauf parfois en ce qui concerne les salaires, toujours exacte, nous récusons complètement la seconde, qui est fausse[3].

Littré n’était pas, lui non plus, d’accord sur ce point avec l’Académie, et, reprenant les termes mêmes de la définition qu’on vient de lire, il écrivait : « Abusivement, prote se dit de ceux qui lisent ou corrigent les épreuves. »

Ch. Ifan[4], d’ordinaire mieux inspiré, s’élève contre ces lignes du célèbre Universitaire : « Au sujet de l’instruction du prote, ces Messieurs[5] [certains écrivains très descriptifs] sont perplexes ; … il y en a même d’irréductibles qui ne l’admettent pas. Ils taxent leurs contra-

  1. Breton (Physiologie du Correcteur d’imprimerie, p. 8) nous paraît ainsi commettre une erreur, ou plutôt avoir une défaillance de mémoire, lorsqu’il écrit : « … Sauf quelques exceptions que nous signalerons en leur lieu, leurs fonctions [celles du correcteur et celles du prote] sont tellement distinctes, que nous ne comprenons pas qu’on ait pu leur attribuer une dénomination commune. »
  2. Dictionnaire de l’Académie française, t. II, p. 526 (1878). — Il faut reconnaître, toutefois, que l’Académie ajoute : « On dit plus souvent aujourd’hui correcteur. »
  3. D’après Bernier, cité par Boutmy.
  4. Le Prote, étude-causerie : chapitre De l’Instruction du Prote, p. 25.
  5. Nous n’aurions osé « situer » parmi ces « Messieurs » le célèbre Littré, si Ch. Ifan lui-même n’avait pris soin, par une note spéciale, de désigner celui auquel il tenait à faire allusion.