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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

« Saichent toutz presentz et advenir comme aynsi soyt que les Beau, pere prieur, et religieulx de l’ordre des frères Jacoppins du couvent de la presente cité d’Avignon eussent dans leurs archieux et livrerie les livres intitullés « Mille loquium beati Ambrosii » in quatuor voluminibus et « Mille loquium Augustini » in uno volumine, relies et scriplz a la main en parchemin, lesquels livres nobles Jehan et Claude Senectons, frères, bourgeoys de la ville de Lion, eussent désir et vouloyr d’imprimer ou fayre imprimer… » Ladite impression sera parachevée « dans deux ans prochain venans, et, passés lesdicts deux ans, leur rendre lesdicts libvres sens aulcune fracture, corruption, rasure ni macule, et aultrement en la mesme sorte que le susdict leur procurer [des frères Senneton] les a receuz et recoyt. » — Macé Bonhomme, libraire à Lyon, est caution pour les frères Senneton, qui, en cas de perte des volumes, auront à payer aux religieux « deux centz escus d’or sol[1] ».

Le lettré qui, en 1545, avait accepté d’assurer, pour le compte des libraires Godefroy et Marcellin Beringen, la publication du travail d’Erasme, Colloquiorum familiorum opus, avait bien fait œuvre de « collationneur de livre », ainsi que le titre du volume lui-même l’indiquait : Nunc denuo ad autoris αὐτόγραφον diligenter collatum vigilantissimeque excusum[2].

La démarcation était-elle très nette entre les fonctions de « prélecteur d’imprymerie » et celles de « collationneur de livres » ? Les limites entre les attributions de ces lettrés et celles de correcteur étaient-elles suffisamment tranchées ? Nous ne pouvons l’affirmer. Tout au moins, les intéressés paraissent avoir pris soin, dans maintes circonstances, de préciser qu’ils exerçaient l’une ou l’autre fonction, parfois les deux en même temps. Il en est ainsi dans l’acte suivant :

4 mars 1569 : Honorable homme Jean Bergier, licencié es loix, prélecteur et correcteur, promet à honor. homme Charles Penot[3], marchand libraire, habitant à Genève, présent, de traduire[4] et mettre en langue françoise, avec annotations en marges, un livre de St Augustin intitulé De la Cité de Dieu, pour le prix de 30 sols de roi par chaque feuille

  1. Bibliographie lyonnaise, 7e série, p. 375-378 (extraits).
  2. ibid., 3e série, p. 40. — « Maintenant enfin soigneusement collationné sur le manuscrit autographe de l’auteur et ciselé [c’est-à-dire corrigé] très attentivement. »
  3. Charles Pesnot fut l’associé de Claude Senneton, libraire à Lyon.
  4. Au xve et au xvie siècle, aux côtés du correcteur, du prélecteur d’imprimerie et du collationneur, les libraires et les imprimeurs occupèrent également le « traducteur de libvres ».