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L’IMPRIMERIE
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nouveau ; ils en suivent avec un soin jaloux les progrès ; et, s’ils ne peuvent encore prêter leur concours à la technique manuelle, ils apportent une aide — matérielle par leur désintéressement, intellectuelle par leurs connaissances — qui est des plus précieuses.

Outre les ouvrages courants, satires, fabliaux, contes, dissertations scientifiques, philosophiques ou littéraires, écrits en beau « langaje françois », dans le « doux parler de France[1] », il faudra, dès les débuts de l’art de Gutenberg, imprimer constamment, couramment aussi, le latin, le grec et encore l’hébreu.

Nombre de manuscrits détériorés par le temps sont peu lisibles. Malgré les soins les plus attentifs, les calligraphes conventuels du moyen âge ont parfois, en le transcrivant, défiguré le texte ; et du xiiie au xve siècle nombre de copistes laïques fort ignorants ne se sont point fait faute de les imiter. Il est indispensable de déchiffrer les textes obscurs, de les comprendre en interprétant les erreurs des copistes, de comparer les manuscrits, de choisir la version correcte, et même, à défaut de l’original, de restituer les textes tronqués ou altérés : rôle ingrat, mais méritoire, que les plus illustres et les plus réputés des linguistes et des philologues vont assumer sans défaillance.

Ainsi, pour la mise au point définitive, littérairement parlant, des travaux qui leur sont confiés, ou dont ils sont les éditeurs, les premiers maîtres imprimeurs, lorsqu’ils n’eurent point les moyens ou le loisir de le faire eux-mêmes, eurent recours à des érudits de premier ordre, qui ne crurent point déchoir en s’attelant à la fastidieuse besogne de la revision des « planches » qui leur étaient soumises.

Le développement rapide de l’imprimerie apporte alors un lustre nouveau aux fonctions de correcteur et à l’homme qui en assume les responsabilités. L’organisation de l’antique scriptorium subit en effet une modification profonde : le lecteur ne dicte plus le texte, mais — tâche bien plus importante ! — il le « met au point » ; le typographe, copiste d’un nouveau genre, assemble les lettres et forme les lignes ; le correcteur revise la composition, compulse une dernière fois les manuscrits, indique les variantes, signale les fautes en rétablissant

  1. Le premier livre imprimé en français fut les Chroniques de France, dites aussi Chroniques de Saint-Denis, comprenant trois volumes in-folio ; il sortit, en 1476, des presses de Pasquier Bonhomme, imprimeur à Paris, à l’enseigne de Saint-Christophe, de 1475 à 1490.