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LE CORRECTEUR TYPOGRAPHE

est généralement digne d’exciter l’admiration. La plupart des imprimeurs qui précédèrent Robert Estienne et leurs collaborateurs furent de véritables savants ayant des connaissances vraiment encyclopédiques ; ils étaient capables, non moins que celui-ci, d’interpréter des manuscrits grecs, latins, hébreux, avec une sécurité remarquable et d’en assurer la reproduction avec une exactitude digne de tous éloges.

Conrad Néobar, originaire d’Allemagne, s’établit libraire à Paris, en 1537, après un examen qui lui valut les éloges de l’Université. En 1538, François Ier le nommait son « imprimeur pour le grec » et le chargeait spécialement de la publication des manuscrits en cette langue. L’ordonnance royale, datée du 17 janvier, fixait les gages annuels de l’imprimeur à la somme de 100 écus d’or sol ; Conrad Néobar jouissait, en outre, de l’exemption d’impôts et de tous les privilèges et immunités accordés au clergé et aux membres de l’Université. Il mourut dans les premiers mois de 1540.

Turnèbe naquit, en 1512, aux Andelys en Normandie, de parents nobles, mais peu fortunés. Son père, gentilhomme écossais, portait, dit-on, le nom de Turnbull, remplacé par le nom français Tournebœuf ou Tournebou, en latin Turnebus. Amené à Paris, vers l’âge de onze ans, le jeune Turnèbe montra pour l’étude de telles dispositions qu’il devait égaler, et même surpasser, ses maîtres : il étudia tout spécialement les écrits des Anciens qui ne lui présentèrent bientôt plus aucune difficulté qu’il ne pût résoudre. Grâce à la protection du cardinal de Châtillon, Turnèbe était nommé professeur d’humanités à Toulouse ; mais, en 1547, il était appelé à Paris, pour remplacer le célèbre Toussain, au Collège Royal où il occupa d’abord la chaire de littérature grecque, puis celle de philosophie grecque et latine ; parmi les élèves dont il dirigea particulièrement les études on peut citer Henri Estienne, Génebrard et Scaliger. En 1552, Turnèbe, guidé par son enthousiasme pour les lettres, acceptait la charge d’imprimeur royal pour les livres grecs, qu’il devait garder jusqu’en 1555. Turnèbe est un des humanistes auxquels la France doit le plus pour la renaissance des lettres ; ses ouvrages personnels, ses traductions d’Aristote, de Théophraste, de Plutarque, ses commentaires sur Cicéron, Varron, Horace le placent