Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/355

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conde, dont elle n’est qu’une transformation, et que nous avons vu avoir été le signe primitif de la division.

La forme de la division française, fondue sur des épaisseurs différentes afin d’aider la justification, est suffisamment connue.

Les divisions anglaise, espagnole, grecque, italienne, polonaise, portugaise et russe sont analogues à la division française et d’épaisseurs également fort variables.

L’arabe, qui se lit de droite à gauche, n’a pas de division, car les mots ne se coupent jamais en fin de ligne. Pour faciliter la justification, on a créé des traits horizontaux, appelés allonges, plus ou moins larges (-, —), se plaçant entre certaines lettres et de préférence entre celles qui peuvent se heurter par le haut ou se confondre par la forme et le nombre de points : les allonges se collent sans espace aux lettres dont elles deviennent ainsi partie intégrante et prolongement naturel.

En hébreu, les mots ne se coupent non plus jamais en fin de ligne. La justification s’obtient, indépendamment de l’espacement qu’on peut tenir très fort, à l’aide de certaines lettres larges qui se placent préférablement à la fin des mots. Toutefois, l’hébreu possède une division ou, plutôt, m trait d’union : ce signe - (anakkeph,) d’épaisseur à peu près constante, sert à réunir deux mots en un nom composé ; il se colle, en supérieure, sans espace avant ou après et peut terminer une ligne, simulant dans ce cas notre division.

La division, on l’a vu plus haut, est nécessitée par le besoin de régulariser l’espacement, et elle a pour but de faciliter cette régularité ; dès lors, conséquence naturelle, elle est permise.

Tous les écrivains, cependant, n’ont pas pensé ainsi ; et il en est qui, par esprit de singularité, d’originalité, ou pour d’autres motifs qu’il peut paraître un peu oiseux de rechercher ici, ont proscrit impitoyablement la division[1] de leurs ouvrages.

Ainsi, pour ne citer que les quelques exemples qui nous viennent à l’esprit, la maison Deslis Frères, de Tours, a imprimé, durant l’année 1903, un volume in-8, dans la composition duquel on s’est efforcé de ne tolérer aucune coupure de mots en fin de ligne ; sans doute, parfois, la régularité de l’espacement n’a pas laissé que d’en souffrir légèrement ; cependant le résultat, dans son ensemble, n’est pas aussi défectueux que pareille tentative pourrait le laisser supposer au premier abord. L’imprimerie Mame, de Tours également, a édité autrefois un petit volume, en corps 4 ou 5, d’où, paraît-il, la division a été systématiquement éliminée. Un Manuel de Typographie française, celui de M. Brun, de plus de 200 pages de texte, a été composé sans une seule division en fin de justification ; cependant, un auteur typographique déclare que le résultat est excellent, et l’espacement toujours fort régulier. Il existe enfin, de

  1. Dans ce paragraphe il s’agit toujours, bien entendu, de la division dans le cas d’une coupure de mot en fin de justification.