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Page:Brossard - Correcteur typographe, 1934.djvu/926

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« La justification s’arrête bien à un point déterminé, mais à la condition que la ligne sera revue et retouchée pour éviter la coupure d’un mot, ou pour la faire d’une manière conforme à la règle. L’espacement est donc, dans la composition, un travail provisoire, qui ne saurait devenir définitif par l’effet d’un procédé mécanique. On pourrait aussi parler et de la multiplicité des fautes qui résulteraient de l’action précipitée du conducteur de la machine, et des difficultés très grandes de la distribution, et enfin d’autres obstacles de tous genres. »
xxxx À l’encontre d’un pessimisme que des insuccès répétés pouvaient faire considérer comme justifié, les efforts et la persévérance d’Ottmar Mergenthaler[1] n’allaient pas tarder à donner des résultats positifs.
xxxx Ayant eu l’occasion d’examiner et d’étudier — pour tenter de la perfectionner — la composeuse de Charles Moore, Ottmar Mergenthaler, après plusieurs années de recherches et de tentatives, aboutit à la conclusion suivante : nécessité, pour obtenir le résultat cherché, de composer, à l’aide de matrices de lettres séparées, une ligne grâce à laquelle on obtiendrait une ligne-bloc. À l’aide de poinçons, assemblés mécaniquement en lignes convenablement espacées et justifiées, Mergenthaler put réussir une matrice de ligne gravée en creux, par pression, dans une matière plastique. Placées ensuite côte à côte, les matrices de lignes, grâce à un dispositif spécial, étaient moulées avec du métal versé à la main et donnaient une ligne-bloc de caractères en relief permettant l’impression. Après bien des tâtonnements Mergenthaler s’avisa de remplacer, les poinçons par des matrices poinçonnées sur les bords d’une série de bandes de cuivre ; puis enfin ces bandes-matrices elles-mêmes firent place à des matrices isolées portant chacune un signe ou une lettre. C’est à ce moment, en l’année 1884, qu’Ottmar Mergenthaler prit en Amérique son premier brevet, qu’il devait, l’année suivante, compléter par un brevet allemand.
xxxx Pour l’édification du lecteur, il est bon de reproduire ici le texte de ce document dont l’importance est considérable : « L’invention se rapporte à une machine qui contient un certain nombre de matrices indépendantes portant chacune une ou plusieurs lettres, plus un autre nombre également défini de matrices pour les espaces, le tout en rapport avec le clavier et avec le dispositif pour la fonderie, de telle sorte que, lois du fonctionnement de la machine, les matrices des lettres choisies viennent se ranger dans une ligne de façon que leur côté qui fait le moule est tourné vers le dispositif de fonderie, au moyen duquel on obtient un bâton entier d’une ligne sur lequel tous les caractères sont uniformément en relief. Lorsque le moulage est terminé, les matrices s’en vont automatiquement dans leurs compartiments respectifs dont elles étaient sorties au moment de la composition par la pression exercée sur les touches du clavier. Chaque compartiment peut contenir un certain nombre de matrices qui portent le même signe, mais qui sont pourvues de petites saillies de longueurs différentes sur le côté. Par la pression faite sur une touche on fait sortir une seule matrice de son compartiment. Les matrices ainsi sorties sont con-

  1. Ottmar Mergenthaler est né, le 11 mai 1854, à Hachtel, petite localité souabe où son père était instituteur à l’école communale ; mais ses travaux furent commencés à Baltimore (Amérique), en collaboration avec Charles Moore, Clephane, Devinne et Hall, le constructeur de la composeuse de Moore.