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Page:Brown - Pages intimes 1914-1918.djvu/12

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J’ai vu… C’était aux champs, on entrait en vacances ;
Affranchi des soucis et le cœur dilaté
Au charme pénétrant des plus beaux jours d’été,
On allait du repos goûter la somnolence.
Ô volupté de vivre en cessant de penser !
Savourer la douceur de l’effort dépensé !
Une divine paix répandait sur les choses
Les langueurs du Midi dans le parfum des roses.

Soudain, comme un cyclone à travers le ciel bleu,
Un long frémissement a secoué l’espace ;
Au bout de l’horizon les nuages qui passent
Sont teints de noir, lamés de sang, frangés de feu.
Avec des grondements, avec son outillage
De canons et de chars, de meurtre et de pillage,
Se ruant par la nuit, voici l’Invasion !
Mes yeux en ont gardé l’horrible vision…



J’ai vu, la torche au poing, de village en village,
Les hordes propager le fléau destructeur ;
Des imprécations montaient dans leur sillage
Auxquelles répondaient leur cri triomphateur.
Par moment, alternant avec des chants bachiques,
Un choral grave et lent traversait le chemin :
On préludait ainsi, le soir, par des cantiques,
À la curée, au massacre du lendemain.



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