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Si le soleil joyeux vient frapper à ma porte,
Des soucis et des ans déposant le fardeau,
Je m’en vais, le pied libre, où mon humeur me porte
— Toi, sous l’œil du geôlier, tu tournes au préau.

Ou bien, à la clarté d’une lampe complice,
Je veille, indifférent à l’heure qui s’enfuit,
Du livre défendu savourant le délice,
— Tu gis enténébrè, longtemps avant la nuit.

Certes le grain de mil que leur main nous mesure
N’est pas, même au plus pauvre, un régal à souhait,
Mais la faim, après tout, m’épargne sa morsure,
— Pour apaiser la tienne, avale leur brouet.



Courbé durant des mois sous cette ignominie,
Tu languiras sans pain, sans lumière et sans feu ;
Ta montée au calvaire et ta lente agonie
N’auront d’autre secours, d’autre témoin que Dieu.

Pour qu’un tel châtiment sur toi s’appesantisse
Dont l’horreur chez plus d’un égara la raison,
Qu’as-tu fait ? Ou faut-il douter de la Justice ?
Tes mains auront trempé dans quelque trahison…

Sa trahison ? J’en ai la mémoire encor fraîche,
J’entendis l’avouer dans son énormité :
À l’Église, un dimanche, il avait, dans un prêche,
Excité la jeunesse à mourir en beauté.



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