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» Que reste-t-il des fleurs que nous avons semées ?
» Du sang jeune et viril qui faisait notre orgueil ?
» De toutes les beautés que nous avons aimées
» Que reste-t-il, sinon cendre, ruine et deuil ?
» Où mûriront les fruits et les moissons prochaines ?
» La mer a recouvert de son sel le limon ;
» Pour vous garder des vents vous n’aurez plus les chênes,
» L’air pur est infecté qui gonflait nos poumons.
» Ne vous y trompez pas : quand le prêtre célèbre,
» Que l’autel retentit de l’hymne défendu,
» Ce n’est pas le clairon, mais c’est un glas funèbre
» Qui sonne dans vos cœurs le Paradis perdu. »



Mais à ces morts voici que les vivants répondent :
« Écoutez, disent-ils, la voix de nos canons,
» Entendez leurs appels où l’espérance abonde,
» La victoire est en marche et nous vous revenons.
» On vous prit la Patrie. — Elle aussi nous fut prise,
» Mais notre exil commun finira promptement ;
» C’est quand on l’a perdue et qu’on l’a reconquise
» Qu’avec la haine au cœur on l’aime doublement.
» Oui, depuis trop longtemps, sans se plaindre, elle porte
» Le poids toujours plus lourd d’un régime abhorré ;
» Tel était son déclin qu’on la proclamait morte,
» Tant il coula de sang de son sein déchiré !



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