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Tout ce torrent de barbarie
Ne fait que déposer au cœur
De l’insubmersible patrie,
Comme un vase, une rancœur,
Une incommensurable haine,
Et notre deuil même, le deuil,
S’il exaspère notre peine,
Ajoute encore à notre orgueil.


Sous ces tourments l’âme respire
Toujours invulnérable ; mais
Le mal de tous nos maux le pire,
Dont le pareil ne fut jamais,
Le mal engendrant la souffrance
Qu’on ne dira jamais assez,
C’est le regret, la souvenance
Des jours bénis, des jours passés.


Jours d’incomparable fortune,
De paix et de fraternité,
Où le forum et la tribune
Retentissaient en liberté,
Où, sur l’Arcade, le quadrige
Que vers les Champs-Elyséens
La main d’un jeune dieu dirige
Nous présageait d’heureux destins.



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