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MISEREOR SUPER TURBAM

LA FOULE

Depuis bientôt quatre ans nous vivons étrangers
Parmi nos ennemis et nos morts invengés,
Retranchés, exilés du reste de la terre,
Accablés dans nos murs sous le joug militaire.
Eux toujours ! eux partout ! étalant leur orgueil,
En maîtres insolents franchissant notre seuil ;
Leur regard dans la rue a des reflets farouches ;
L’air que nous respirons a passé par leurs bouches !

Pour eux notre futaie, et pour eux nos vergers,
Et pour eux les troupeaux que paissent nos bergers !
Ce qui fait la richesse et la beauté des fermes,
Tout ce qui dans les champs fleurit, tout ce qui germe,
Tous les dons de la terre iront, jusqu’aux derniers,
Pour prix de nos sueurs regarnir leurs greniers !

Leur justice nous tient courbés sous sa férule,
Elle trône au Sénat dans les chaises curules
Et vous colle au poteau si vous avez osé
Quelque rébellion au service imposé,

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