Page:Brown - Pages intimes 1914-1918.djvu/82

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Ou si, satisfaisant à l’ordre de rejoindre,
Vous avez tout bravé plutôt que de l’enfreindre,
Ou si, de leurs trafics spectateur riverain,
Vous avez dénombré les voitures d’un train.
Le salut de l’armée et celui de l’Empire,
Tout exige en ce cas que le coupable expire,
Qu’il expire au gibet ou là-bas, dans les fers,
En des tourments que Dante eut placés aux enfers.

Que n’avons-nous du moins, pour tromper notre attente,
Un sourire venu de la patrie absente,
Un mot de nos garçons, un mot, un signe, un rien,
Mais que nous les sachions vivre et se battre bien,
Et que, si leur penser sur leurs vieux se reporte,
Ils sachent que chez nous la flamme n’est pas morte.
Hélas ! tels des captifs, tels des pestiférés,
Parqués en quarantaine, on nous garde enserrés,
Et tandis que la faim torture nos entrailles,
L’âpre soif de savoir jusqu’au cœur nous tiraille !

Patrie, où donc es-tu ? Nul n’entend plus ta voix,
Ta grande voix tonnante et si chère à la fois,
Car au bruit du canon nos âmes réveillées
À de nouveaux espoirs s’ouvraient émerveillées
Et le sol en tremblant secouait nos torpeurs.
Folle et vaine espérance ! Échos vains et trompeurs !
Depuis, sur l’horizon le silence retombe.
Où donc es-tu, Patrie ? A-t-on scellé ta tombe ?