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Nos hampes sans drapeaux baissent le front, — les leurs
Effrontément au vent font claquer leurs couleurs.
Ô symbole odieux ! Ô funeste présage !
Reverrons-nous jamais ton fier et doux visage ?

LA PATRIE

Jésus prit en pitié la foule, et de sept pains,
Hôte miraculeux, rassasia leur faim.
Que de béatitude et quelle paix céleste
Dans les cœurs agités sut ramener son geste !
Subjuguée, à ses pieds, la foule crut en lui.
Ô peuple, que ta foi soit la même aujourd’hui !
Étouffant ta souffrance et ta plainte importune,
Soumets à ses décrets ton sort et ta fortune.
L’ouragan a fauché tes moissons et tes fleurs,
Abattu de tes fils les plus beaux, les meilleurs,
Et dans ce cataclysme unique en sa furie,
Désespérant de tout, tu cherches ta patrie.
Pourquoi douter, gémir, errer désemparé ?
Sèche tes larmes, viens ! Je sais un lieu sacré
Où flotte sur l’autel un vieux morceau de serge
Qui brille, tricolore, à la lueur des cierges, —
Où, sous la voûte auguste, un hymne retentit,
L’hymne qui nous exalte et qu’ils ont interdit, —
Refuge inviolé de la prière antique,
Viens-y prêter l’oreille à de divins cantiques,
Librement laisses-y s’épancher ta douleur :
Tu me retrouveras au pied du Sacré-Cœur.

30 juin 1918.
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