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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

étrangères à l’art, le wagnérisme a été long à s’acclimater. Alors que l’on sifflait au Concert-Pasdeloup les préludes de Lohengrin et de Tristan, l’ouverture de Tannhäuser, la marche funèbre du Crépuscule des Dieux, MM. Reyer, Saint-Saëns et Massenet ont mis en pratique certaines des théories nouvelles sans briser cependant les formes de l’Opéra et sans cesser d’être de leur pays. C’est à ce dernier trait qu’ils doivent d’avoir conservé la prépondérance. Peu à peu, cependant, Richard Wagner s’est imposé à notre foule. Son triomphe chez nous a pris alors des proportions d’autant plus grandes que son échec avait été jadis plus complet et plus cruel. Et ce fut dans toutes les classes de la société française un affolement, très justifié, je m’empresse de le reconnaître, par la splendeur incomparable de l’œuvre victorieux, mais dont les conséquences peuvent être meurtrières pour notre art, si personne n’y met bon ordre. Que les partitions autrefois méprisées ornent maintenant tous les pianos ; que nos théâtres, que nos sociétés symphoniques rivalisent d’ardeur wagnérienne, j’y applaudis des deux mains, car il faut que l’éducation du public s’achève et que le terrain musical s’ensemence pour de prochaines récoltes, mais que l’inspiration de nos jeunes compositeurs se stérilise en s’asservissant au succès et