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LES MAÎTRES CHANTEURS

Hans Sachs, le savetier poète, qui domine l’œuvre de l’incommensurable hauteur de sa sagesse, de sa bonté et de son abnégation, Hans Sachs, un homme fait comme vous et moi et que l’on habillerait sans inconvénient comme vous et moi, me paraît plus grand, l’alène à la main, que le dieu Wotan, avec sa lance et son bouclier. En mariant à Eva, la fille de l’orfèvre Pogner, le chevalier Walther de Stolzing, venu du château féodal en la ville laborieuse, ce qui crée la péripétie apparente de la pièce, il réalise le rêve de fraternité sociale — c’est là le sujet caché du drame — unissant l’élite aristocratique à la grande famille du peuple, et ajoute l’héroïsme de son propre sacrifice à la gravité du choral religieux dont il glorifie, par la voix de la foule, Luther et la Réforme. Jadis, avant d’être vieux, il eut femme et enfants et les perdit. Il pourrait, en Eva que, gamine, il fit sauter sur ses genoux, retrouver à la fois la femme commençante et l’enfant finissante. Mais sa philosophie ne veut pas de ce bonheur. Il faut que la jeunesse aille à la jeunesse, qu’une loi de nature et d’amour établisse la paix du monde. Le renoncement sublime de Sachs ne lui est pas imposé seulement par son âme d’homme. Son cœur de poète l’exige. L’art doit trouver en la vie sa régénération comme il doit