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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

apporter la régénération à toute créature ; il doit progresser sans cesse, se transformer de siècle en siècle, sous peine de mort, et il doit aussi, sous peine de déshonneur, méprisant la sotte étroitesse des règles, respecter la tradition auguste des ancêtres. L’art donnera donc Eva à Walther et leurs deux jeunesses lui donneront, en retour, la jeunesse qu’il attend. C’est la floraison de ce double renouveau : renouveau de l’art par l’amour, renouveau de l’amour par l’art, qui s’épanouit de la première à la dernière page de cette prodigieuse partition des Maîtres Chanteurs. Jamais jardin printanier n’a offert pareille luxuriance. Les mélodies, d’une incomparable richesse expressive, d’une beauté sans égale, d’une étonnante netteté de dessin, d’une extraordinaire diversité, jaillissent de l’orchestre comme des plantes de miracle jailliraient d’une terre enchantée. Elles s’élancent, les unes puissantes, gigantesques, défiant le ciel, les autres graciles, délicates, croissant en audacieuses et fantaisistes courbures. Elles poussent là dans la pleine et entière liberté du champ béni que féconde uniquement le chaud soleil du bon Dieu ; elles se confondent et s’étreignent, les petites s’agrippant aux grandes en un assaut de feuillages et de branches qui produit la formidable végétation musicale dont les harmonies