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L’« ÉMINEMMENT FRANÇAIS »

longtemps une grande irrévérence à l’égard du genre de musique qui a retrouvé un asile, et cependant jamais elle ne s’en est complètement détachée, et je crois que jamais elle ne s’en détachera si l’on sait séparer à son intention les vrais et vivants chefs-d’œuvre de l’opéra-comique des faux chefs-d’œuvre d’un art défunt et si on laisse ce genre se transformer naturellement et logiquement. Dès 1840 — les journaux de l’époque m’en ont fourni l’indication — on commençait à rire de l’« éminemment français » que Théophile Gautier qualifiait de « bâtard et mesquin, mélange de deux moyens d’expression incompatibles où les acteurs jouent mal, sous prétexte qu’ils sont chanteurs, et chantent faux sous prétexte qu’ils sont comédiens », et la Fille du régiment, vers la vingtième représentation, réalisait la jolie recette de quatre cent soixante-trois francs. On voit que ni nos dédains, plus apparents que réels, ni nos façons de déterminer le « départ » d’une pièce, ne sont bien nouveaux.

Cette transformation du genre de l’opéra-comique, transformation à laquelle il ne faut point mettre d’entraves, si l’on ne veut abolir ce genre en tuant les ouvrages du passé par des reproductions inférieures et désagréables, constitue la vie même du théâtre, une longue vie,