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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

hiatus ou une simple assonance, souvent préférable à la rime sans reproche, car la musique, à l’exemple de la poésie, est faite pour l’oreille plutôt que pour l’œil. Je maintiens absolument le droit de l’artiste à exprimer ses idées par tel moyen qui lui convient, pourvu qu’il me fasse partager son émotion et m’ouvre son cœur. Corot que, dans mon enfance, j’ai vu travailler, peignait avec la cendre de sa pipe, quand les couleurs réglementaires ne lui suffisaient pas, et sa tendresse pour la nature se souciait aussi peu des règles de l’école que nous nous en soucions nous-mêmes lorsque nous admirons ses tableaux.

Si Berlioz a commis des fautes d’harmonie ou de syntaxe, je les lui pardonne d’autant plus volontiers qu’en l’état d’âme où il a su me mettre, je ne les ai jamais remarquées. Ses prétendues incorrections ont toujours, au contraire, mené mon esprit si haut, si haut, dans les belles contrées heureuses où toutes les libertés existent, même les libertés d’écriture, qu’il m’a été impossible alors de raisonner et de m’indigner.

Car nul mieux que lui n’a su nous émouvoir jusqu’aux larmes par des moyens inappréciables. Pourquoi cette seule note de clarinette pénètre-t-elle jusqu’au fond de notre cœur et pourquoi ces quelques sons de hautbois nous montrent-ils