Page:Bruneau - Musiques d’hier et de demain, 1900.djvu/201

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
LA DAMNATION DE FAUST

des paysages de rêve ? Impressions extra-musicales qu’un musicien n’arrivera jamais à nous donner s’il n’est le « poète » comme l’entendaient les Grecs, le créateur faisant de l’art avec son génie et non l’artisan accomplissant une besogne avec son métier.

Et c’est surtout la Damnation de Faust qui me plonge en cette émotion profonde où nulle pensée de critique ne m’est permise, car, à l’encontre des personnages du Faust de Gounod, musicaux seulement, ceux de Berlioz sont intellectuels, ils sont peints avec une puissance d’évocation admirable, étant divers, parlant chacun un langage particulier, se mouvant dans des décors sonores de la plus étonnante fantaisie et du plus poignant réalisme.

Au demeurant, le malentendu nous importe peu. Il est éternel, il existera toujours entre les forts, les créateurs qui parleront à la foule une langue personnelle, neuve et libre, et les débiles, les disgraciés qui, en vertu d’étranges et mystérieux privilèges, se diront les utiles gardiens de traditions imaginaires. Toujours aussi, on reprochera leur ignorance à ceux qui auront le plus fermement travaillé ; leur insouciance, à ceux qui auront le plus noblement réfléchi ; et toujours l’on accusera de mépriser les purs maîtres d’autrefois ceux-là mêmes qui témoi-