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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

Paris et j’eus l’occasion de le rencontrer. Au lieu de l’abbé de Cour, du mondain, de « l’amateur » que je craignais, je vis un petit homme doux, dont les allures, conservant quelque chose de provincial, de campagnard m’étonnèrent. Deux yeux, tantôt calmes tantôt remuants (remuants dès qu’il est question de musique, calmes dès que la conversation s’écarte du sujet préféré), mobilisaient un visage assez banal, mais intéressant par son expression changeante. Je compris vite que le jeune prêtre était bien moins préoccupé de la réforme du chant religieux que de la restauration de l’oratorio. À la manière dont il me parla du théâtre, je fus d’abord convaincu, en dépit des racontars, que l’idée de jeter sa soutane aux orties pour écrire des opéras ne lui était pas encore venue, et je ne tardai pas à m’aperce voir que j’avais affaire à un combatif de trempe supérieure. Que lui importent les drames multiples de notre existence quotidienne, les passions, magnifiques ou hideuses, qui, chaque jour, ennoblissent ou avilissent nos pauvres âmes, mettent en nous, soir et matin, le bonheur et le malheur ? Il ne connaît, lui, qu’un unique drame où se heurtent toutes les passions : la Vie du Christ ; il affirme que ce drame résume tous les drames passés, présents et futurs, qu’il est le drame éternel de tous les êtres,