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MUSIQUES D’HIER ET DE DEMAIN

danserait le fils de Jacob et de Rachel. Pour protester contre de telles horreurs, Méhul offrit sa collaboration à Duval, dès que celui-ci eut gagné son pari, et l’on convint que l’ouvrage, destiné d’abord à l’Académie de musique, n’y serait pas représenté et irait à l’Opéra-Comique. Il fut achevé au bout de deux mois, dit-on, et le 17 février 1807 les comédiens ordinaires de l’Empereur le jouèrent, rue Feydeau, sous ce titre exact : Joseph, drame en trois actes, en prose, mêlé de chant. Le public lui réserva, ce soir-là, un accueil chaleureux, enthousiaste même, mais les foulés suivantes déclarant que a ce n’était pas du théâtre » — le mot est vieux, vous le voyez — « cela ne fit pas d’argent » et ne parut que treize fois sur l’affiche. Méhul, alors, abandonna presque complètement la scène et se consola en cultivant des fleurs, en soignant, en multipliant, en variant les tulipes qu’il avait toujours adorées. Et il mourut jardinier.

Joseph, son chef-d’œuvre, un des plus authentiques, des plus magnifiques, des plus typiques chefs-d’œuvre de l’art français, reste donc en quelque sorte comme son testament. On l’a repris souvent à l’Opéra-Comique et, peu à peu, on a aimé la pureté, la noblesse, la grandeur, la force de cette partition virile et tendre, austère