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JOSEPH

et humaine, aussi définitive, en sa forme particulière, qu’un de ces beaux marbres antiques auxquels vont notre respect et notre vénération. L’auteur a voulu enchâsser dans le texte parlé chacun de ses morceaux. Que l’on ait plus ou moins de goût pour ce genre à coup sûr bâtard, là n’est pas la question et j’avoue qu’il n’a point mes préférences. Méhul l’a choisi, se refusant formellement à écrire un opéra, entendant faire un « drame en prose mêlé de chant », et, dès lors, nous n’avons plus qu’à nous incliner, qu’à admirer Joseph tel qu’il est : en morceaux, je le répète. Et quels morceaux ! L’air d’entrée si touchant, si douloureux par les souvenirs qu’il évoque du père et du pays ; l’exquise romance puérile, où est si naïvement raconté le crime des méchants frères, pastorale délicieuse ; la terrible déploration de Siméon, le réprouvé, où éclate en un furieux et bref dessin chromatique et symphonique la colère de Dieu, où les voix des autres coupables interviennent, consolatrices et douces ; l’émouvante rencontre, où la victime, d’abord indignée, sent son cœur s’amollir et pardonne à ses bourreaux ; l’hymne à la nature, de majesté incomparable, clamé d’abord par les hommes, puis par les femmes et enfin par le chœur entier et dont les trois strophes semblent sortir du sol ferlile, comme